Un
besoin de revanche
La vie ne leur a pas offert grand
chose, ils sont seuls et ont des difficultés d'adaptation
sociale. L'échiquier est pour eux une seconde chance, la
possibilité de repartir à zéro dans un univers
aux règles bien définies, où ils seront enfin
jugés sur leurs qualités. Ils confondent force échiquéenne
et intelligence, obtenant ainsi un réconfort bien illusoire.
Battre un joueur de salon leur procure un plaisir intense, alors
que bien souvent ils gagnent sans savoir pourquoi, juste en rejouant
des parties de maîtres apprises par cœur. Leur complexe de
supériorité les rend très antipathiques. Ils
pensent tout savoir parce qu'ils ont lu un manuel d'échecs
et vous assomment avec des noms farfelus de débuts ou des
concepts aussi obscurs qu'inutiles.
Le
profil type
Avec leur look d'élève-ingénieur,
on les reconnait en général assez facilement. Mais
parfois ils sont moins repérables physiquement. Il suffit
dans ce cas de les écouter quelques instants pour les identifier
avec certitude. Voici une sélection de leurs étranges
propos (toutes ces phrases sont authentiques !) :
- "pièce touchée, pièce jouée."
(typique du mauvais joueur qui n'a aucun panache)
- "mais si j'ai le droit de jouer ça, c'est la prise
en passant !"
- "pourtant j'avais la paire de fous"
- "ta "dame" (sic) est sur la mauvaise couleur"
- "tu avais des trous sur les cases noires"
- "à un moment tu pouvais prendre perpette"
- "la variante du pion empoisonné dans la nage d'Orff
c'est pas le meilleur choix pour un débutant"
- "tu n'as pas suffisamment de compensations pour la qualité"
- "le dragon c'est monstrueux"
- "dame contre tour, ça gagne mais faut connaître"
- "il suffit de trianguler et après tu tombes sur un
trébuchet"
- "tu n'as pas le droit de roquer avec la dame"
Quand ils sentent qu'ils vont perdre ils font parfois preuve de
mauvaise foi en disant que la partie est nulle et que ce serait
aussi bien d'arrêter :
- "je te propose nul"
- "je te dis que c'est nul de toute façon c'est la position
de Philidor" (un comble quand on sait que Philidor était
un joueur de salon, loin d'être nul qui-plus-est !)
Au sein des joueurs de clubs, il existe deux sous-catégories
qu'il convient de repérer :
Le silmanien
Le silmanien n'est en général pas très fort.
C'est un joueur de club assez récent. Ses phrases-types sont
les suivantes :
- "pourtant j'avais des déséquilibres favorables"
- "si on suit la méthode de réflexion de Silman,
les blancs sont mieux"
Le dorfmanien
Attention, le dorfmanien a eu une enfance particulièrement
difficile et il est souvent assez fort. Voici ses phrases-types :
- "moi j'appelle pas ça une position critique"
- "mon roi est meilleur mais tu es mieux après l'échange
des dames"
- "tu avais l'avantage dynamique et pourtant tu as joué
statique."
Une
nouvelle catégorie, en rapide croissance, est le
fritzien, reconnaissable au fait qu'il utilise le mot de
code "Fritz" dans toutes ses phrases, par exemple :
- "Je comprends pas, Fritz me donnait + 0,19 et j'ai perdu"
Quelle
attitude ?
N'oubliez jamais qu'un joueur de club consacre toute
son énergie à apprendre des variations par cœur
et met tout son honneur dans les résultats de ses parties.
Si vous jouez contre un "Silmanien", mettez le feu sur
l'échiquier, prenez-le à la gorge et renvoyez-le à
ses chères études. Si en revanche vous vous heurtez
à un "Dorfmanien", le plus sage est de jouer passivement,
en roquant par exemple, de lui opposer une âpre défense
mais de le laisser gagner. Vous verrez alors son regard absent s'illuminer
d'une lueur de bonheur. Dites-lui qu'il a bien joué et qu'il
est vraiment intelligent, il se lancera alors dans une tirade de
fausse modestie tout-à-fait réjouissante.
Quelques
liens
Une des activités favorites du joueur de club est de perdre
son temps sur ce genre de site :
Mieux jouer aux échecs : mjae.com
France Échecs : france-échecs
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