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LOUNGE VS CLUB |
M. Damien Pecheur (Domino@lycos.fr), qui est chargé de la communication dans une entreprise de confection, a fait une interview de M. Jean-Robert Pecheur, avant un match de celui-ci contre un fort joueur de club.
Paris, le 31 juin 2004
DP : M. Pecheur, en jouant contre un joueur de club, on accepte implicitement
d'écarter tout aspect esthétique du jeu d'échecs. Par quoi
comptez-vous compenser ce vide ?
JR P : Le fait de jouer contre un joueur de club, il n'y a aucun point de vue
esthétique étant donné que ce n'est qu'un prétentieux
qui joue des coups par cœur sans réfléchir.
DP
: Un joueur de club va raisonner exclusivement en terme de mémoire, sans
pouvoir faire appel à son imagination, pensez-vous que cela soit un avantage
ou un inconvénient ?
JR P : Vous savez, je vais vous répondre très simplement,
un joueur de club avec ses livres d'échecs, ce n'est qu'un gros bourrin
sans imagination. A la différence, le joueur de salon fait appel à
des grands principes stratégiques sur certaines positions. En tout cas,
cela a été démontré par mon expérience, pour
comprendre le niveau de jeu qui sépare les joueurs de salon des joueurs
de club. Maintenant, je vous rappelle que je ne suis qu'un joueur de salon,
le joueur de club je ne vais même pas en tenir compte.
DP
: Qu'est ce qui vous a amené à choisir Arthur Dupré comme
adversaire?
JR P : Arthur Dupré est un joueur de club typique, il a les qualités
et les capacités de faire un très bon joueur de club, comme Anatoly
Vaisser pour ne citer que lui. Ce joueur s'exerce depuis le début des
années 90, et il est le plus connu dans mon coin, il est aussi assez
fort en gueule, et fait toujours preuve d'une grande mauvaise foi dans l'analyse
des parties.
DP
: Vous semblez passionné par les joueurs de club et le jeu d'échecs,
comment expliquez-vous cela ?
JR P : C'est une très bonne question. J'ai découvert le jeu d'échecs
grâce à un ami en 1981. Des lectures passionnantes aussi dans la
revue Europe Echecs, avec des tas d'âneries sur le jeu de compétition,
c'était M. Zinzer qui écrivait les articles. Quelques années
plus tard, les rencontres entre des joueurs de club et de salon chez des amis
ont donné lieu à des empoignades féroces. Une partie que
j'ai gagnée contre un joueur de club grâce à une jolie fourchette
de cheval. Une autre partie gagnée par mon frère contre un joueur
de club qui soutenait qu'on n'a pas de droit d'avancer deux petits pions ensemble
au premier coup. Pour en revenir à mon frère Damien, je l'appelle
« le tueur de joueurs de club », une rencontre contre Arthur
Dupré encore une fois, lors d'un apéritif bien arrosé,
mes cousins et moi avions « préparé » l'arrogant
joueur de club au pastis ; et bien il a perdu cette partie. L'intéressé
avoua qu'il en avait oublié la marche du cheval !!
DP
: Comment expliquez-vous la progression fulgurante en dix ans des joueurs de
club dans les tournois internationaux, on peut pour certains parler du top 10
mondial ?
JR P : Cette progression est due à deux choses. Tout d'abord, les progrès
technologiques des ordinateurs qui leur indiquent tous les bons coups, de nos
jours je crois que l'on parle en 'micro', et que demain on parlera de 'nanotechnologie'.
La loi de Moore démontre que nous sommes arrivés au plus haut
de la technologie actuelle. La capacité de mémoire des joueurs
de club a elle aussi progressé, grâce aux entraîneurs qui
ont su leur apporter des compléments alimentaires comme l'Isoxan®
ou le Memorex®. Pour ce qui est de la force des joueurs de club, elle n'est
pas réaliste, car celui-là est basé sur des parties jouées
entres eux. Pour avoir un niveau réaliste, les joueurs de club devraient
jouer contre des forts joueurs de salon comme Kamsky, Fischer ou encore Michel
Noir pour ne citer qu'eux. (Rire) Je suis désolé, je n'ai pas
la liste internationale avec moi. Je pense que le niveau des joueurs de club
est surévalué de 150 à 300 points.
DP
: Je vais me poser en avocat du diable. Vous savez bien que vous allez faire
l'objet de critiques qui vont arriver de partout de la part de la communauté
échiquéenne, concernant ce match et sa légitimité.
Quels seront vos arguments de défense ?
JR P : Les critiques sont constructives à bonne échéance,
mais les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Je ne tiendrais pas comptes des
critiques, sinon je n'en finirais jamais. Il n'y a aucune légitimité
de jouer contre un joueur de club, tout le monde peut le faire, et surtout je
ne me prends pas pour 'le dernier rempart de l'élégance', bien
au contraire. Restons simple, et l'approche de ce match sera simple, ce n'est
qu'un jeu d'échecs, il ne faut pas en faire un drame. Et puis, à
la différence des grands joueurs de salon qui ont joué contre
des joueurs de club, Arthur Dupré, que j'affronterai pour ce match, sera
un joueur de club de niveau moyen.
DP
: Si vous gagnez ce match, on pourra penser qu'il y a eu de la triche ?
JR P : (Rire) Le match n'a même pas encore eu lieu que vous parlez déjà
de score positif pour moi. C'est bon alors, il n'y a plus besoin de le jouer !!
Tricher, non, je n'ai aucun intérêt. Si je dois perdre, il faut
le faire dans les règles de l'art ; en tout cas, sans que l'adversaire
ne reprenne ses coups.
DP
: Ce n'est pas votre première rencontre contre un joueur de club. En
octobre 2002, vous aviez joué contre André Dumont en partie rapide,
à la même période où M. Kasparov et M. Kramnik disputaient
des tournois. Cherchez-vous à vous comparer à eux ?
JR P : Je m'en doutais que vous alliez poser cette question. Pas du tout, aucune
comparaison avec ces deux grands joueurs de club. Disons que j'ai décidé
de faire ce match après la décision de M. Kasparov qui, au début
du mois d'août, annonça qu'il allait rejouer quelques parties en
octobre. Je n'ai pas trouvé cela très fair-play envers Vladimir
Kramnik qui avait annoncé qu'il se remettrait bien à pousser du
bois, puis reporté en octobre 2002 en raison de l'actualité. La
décision du joueur de club Vladimir Kramnik de faire quelques parties
était légitime. Il a gagné quelques parties contre Garry
Kasparov en novembre 2000 à Londres, n'êtes-vous pas d'accord avec
moi ?
DP
: Comment allez-vous préparer ce match ?
JR P : Comme tout le monde : boire quelques bières, tenir compte des
parties d'antan dont le match perdu contre Damien Pecheur, et surtout la préparation
physique. Il faudra être prêt pour supporter la « pression »
et l'incroyable mauvaise foi de ce joueur.
DP
: En 1993, vous aviez déjà joué contre André Dumont.
Malgré votre préparation, vous aviez perdu la partie. Ne pensez-vous
pas que cela va se reproduire ?
JR P : Oui, cela peut se reproduire bien sûr, mais je sais retenir les
erreurs et ne pas les reproduire.
DP
: Les rencontres salon-club sont très tendues et très bien arrosées.
En sera-t-il de même pour votre match ?
JR P : Je tiens tout d'abord à remercier mes cousins pour leur soutien.
La tention montera naturellement avec l'alcool. Un dilemme se pose concernant
l'accompagnement en solide. Si mes cousins n'ont plus de leur fameux saussison
à l'aïl, j'ai demandé à ce que le match soit reporté
en mars 2005. De plus, une bouteille de Calva 12 ans d'âge a été
terminée au mois de juin, et cela n'est pas fait pour arranger la situation.
Je ne souhaite pas annuler le match, mais nous devons travailler d'arrache pied
pour mener à bien cet événement, si nous voulons le réussir.
DP
: Que pensez-vous de la situation actuelle des échecs en club ?
JR P : No comment.
DP
: Au travers de vos réponses, vous exprimez une volonté de réussite.
Où allez-vous trouver les ressources pour relever ce défi ?
JR P : Oui ! J'espère que ce challenge sera une réussite, tant
dans son organisation que son déroulement. J'ai une équipe formidable
autour de moi, elle donne beaucoup pour mener à bien ce projet. Pour
trouver les ressources, je ne ferais qu'une chose : jouer simplement, en appliquant
les principes d' « être
fort aux échecs ».